Auteur
Thorben Schmidt
Thorben Schmidt

Cet article constitue la deuxième partie de notre série consacrée à la gestion du changement organisationnel (Organizational Change Management – OCM). Vous avez peut-être déjà lu la première partie de cette série. Si ce n’est pas le cas, je vous recommande de commencer par les premières étapes de l’initiation du changement avant de poursuivre votre lecture.

Dans cet article, je vous présenterai quelques éléments théoriques relatifs aux trois étapes suivantes du processus OCM, ainsi que des enseignements et recommandations issus de situations réelles, afin que vous puissiez les appliquer à vos propres démarches de gestion du changement.

Revenir sur les premières étapes et les approfondir

Si l’on raisonne en termes de calendrier, les actions d’OCM devraient au plus tard démarrer en même temps que la phase de planification de l’initiative. Démarrer l’OCM trop tard met en péril le succès global du projet : la résistance et l’opposition apparaissent, et les collaborateurs ont davantage de difficultés à adopter les nouvelles pratiques. L’efficacité et l’efficience restent alors en-deçà des attentes, ce qui réduit le retour sur investissement (ROI) de l’initiative. Dans le pire des cas, vous risquez même de perdre des talents clés en cours de route. En d’autres termes, si vous ne prenez pas en compte la dimension humaine dès le départ, vous serez toujours « en retard dès le début ».

The technical and people centric sides of OCMFigure 1 : Les dimensions techniques et humaines de l'OCM

 

Exemple : J’ai été nommé Senior Project Manager pour l’implémentation d’un CRM dans une entreprise autrichienne du secteur des infrastructures. Ce projet pouvait être considéré comme un « Change » relativement modéré : rien de particulièrement spectaculaire, puisqu’il concernait principalement un seul département composé de quelques équipes. Cependant, le projet était déjà en cours depuis environ un an et demi et, jusqu’à six mois avant le go-live prévu, très peu d’actions OCM avaient été menées. En plus de mon rôle de Senior PM, la gestion du changement est donc devenue ma priorité principale. Malgré tous nos efforts pour « rattraper le retard », les résultats n’auraient jamais pu être aussi bons que si l’OCM avait été correctement pris en compte dès le début.

J'ai également fait une autre observation importante : l’OCM n’est pas une solution miracle, ni une carte « sortie de prison ». Si votre initiative ne repose pas sur un « pourquoi » solide ou si elle est mal exécutée sur le plan opérationnel, l’OCM a des limites. Même s’il existe certaines similitudes avec le marketing, l’OCM n’a pas vocation à survendre un produit défaillant. En tentant de le faire, vous risquez de perdre durablement la confiance des équipes, ce qui nuira à toute initiative future.

Passons maintenant aux étapes suivantes.

Étape 4 : La vision

(Note : cette quatrième étape prolonge les parties présentées dans l’article introductif de cette série).

Vous savez désormais pourquoi un changement est nécessaire, vous avez une idée approximative de son ampleur et vous avez constitué une première alliance. Il est temps de passer du « pourquoi » au « quoi » et au « où ». Vous devez définir la nouvelle vision qui permettra de résoudre les problématiques identifiées. Revenons à l’Oignon OCM de Nagarro présenté dans la première partie :

Figure 1 Components of the Nagarro’s OCM OnionFigure 2 : Composants de l'oignon OCM de Nagarro

 

Selon le type de changement auquel vous êtes confronté, la vision devra être plus ou moins développée. En règle générale, un « Change » relativement simple ne nécessite pas une vision extrêmement détaillée sur cinq ou dix ans. Il suffit alors de formuler un objectif clair et précis, afin que chacun sache à quoi s’attendre.

À mesure que l’on se rapproche des couches externes de l’Oignon OCM de Nagarro, la vision peut devenir plus floue. Il est alors essentiel de définir également le chemin menant à cette vision, car c’est ce que les personnes concernées percevront en premier. Vision et trajectoire sont indispensables dans le cadre d’une transformation, qui modifie en profondeur la culture, les processus, les méthodes, les produits et services, la stratégie et la structure de l’organisation. Cela étant, les recommandations suivantes s’appliquent à tous les types de changement.

Chaque personne concernée doit être en mesure de répondre individuellement à la question : « Qu’est-ce que j’y gagne ? » et, idéalement, avoir envie de se projeter vers cette vision dès qu’elle lui est présentée. Observons la courbe émotionnelle classique du changement, selon Richard K. Streich (voir Streich, 2016, p. 25) :

Graph of personal competence vs TimeFigure 3 : Compétence personnelle en fonction du temps

 

Grâce à un « pourquoi » clairement expliqué et à une vision précise du « comment », vous pouvez faire évoluer rapidement l’état d’esprit des personnes concernées, en les faisant sortir des phases de choc, de déni et de découragement pour les amener vers l’acceptation de la nouvelle réalité. Il s’agit là de l’un des piliers fondamentaux de l’OCM. En cas d’échec sur le « pourquoi » ou sur la vision, les collaborateurs risquent de rester durablement dans le déni ou dans la « vallée des larmes », avec toutes les conséquences négatives évoquées dans l’introduction. Dans certains cas, cela peut même être pire que de ne pas avoir lancé l’initiative du tout.

Pour provoquer ce changement d’état d’esprit, la vision doit être coordonnée, partagée au sein de l’alliance de changement et validée par le top management. Elle doit être CLAIRE dans le contexte de l’initiative.

Towards a CLEAR visionFigure 4 : Vers une vision claire

 

Elle doit mettre en avant les bénéfices de la « nouvelle manière de faire » par rapport au statu quo. À ce stade, vous pouvez, et devriez, élargir votre alliance de changement. Idéalement, impliquez des experts métier ou des collaborateurs directement concernés afin de vous aider à préciser la vision ainsi que les stratégies et initiatives qui y mèneront. Cette implication renforce généralement l’adhésion et transforme ces personnes en relais positifs auprès de leurs pairs, tout en les responsabilisant dans la mise en œuvre de la vision.

Anecdote : une vision qui nécessite un jeu complet de slides PowerPoint est trop détaillée et trop complexe pour être comprise et inspirante. Si personne ne comprend la vision, personne ne la suivra. Une vision trop compliquée rend également très difficile la constitution d’une alliance de changement élargie. Le résultat est alors une multiplication d’initiatives concurrentes et contradictoires, chacun ayant sa propre interprétation de la direction à suivre. Cela rend le plan inefficace, voire dangereux pour l’avenir de l’organisation, en gaspillant des ressources clés. De la même manière, une vision trop vague ou ambiguë produit les mêmes effets négatifs.

Exemple : Évitez les messages trop génériques du type « nous voulons devenir l’employeur de référence ». D’une part, personne ne souhaite volontairement être un mauvais employeur. D’autre part, ce type de déclaration a perdu toute originalité et n’apporte rien de concret dans votre contexte spécifique.

 

Étape 5 : Plan de gestion du changement

Une fois la vision CLAIRE définie, il est temps de réfléchir à la manière de la concrétiser et de la communiquer.

Une feuille de route, même indicative, doit faire partie intégrante de la construction et de la communication de la vision. Plus vous êtes proche des couches externes de l’Oignon OCM de Nagarro, plus ce chemin vers la vision devient crucial : il sera naturellement plus long et plus exigeant, car il implique des changements plus profonds pour un plus grand nombre de personnes.

Mettez en avant des jalons clés tout au long du parcours, afin que chacun puisse se projeter et percevoir rapidement les premiers effets concrets de la vision. Si les collaborateurs ont le sentiment que la vision est trop vaste, trop ambitieuse ou irréaliste, la peur de l’échec finira par s’installer. Il est donc essentiel de rendre le chemin vers cette vision lointaine aussi clair et atteignable que possible, afin de maintenir l’engagement et la motivation.

Parallèlement, vous devez élaborer une stratégie et un plan de Change Management, ainsi qu’un plan de communication associé.

Vous pouvez vous appuyer sur la matrice présentée dans la première partie de cette série pour analyser plus finement les « protagonistes » du changement. Pour chacun d’eux, évaluez leur niveau de préparation au changement et construisez des plans de gestion du changement adaptés — par entité organisationnelle, voire par individu — incluant une communication ciblée et, le cas échéant, des plans de formation. Ces éléments peuvent être recueillis via des enquêtes anonymes, des entretiens avec des collaborateurs ou des managers, ou encore à partir de retours d’expérience passés. Cela vous permettra également de mesurer l’ampleur de la culture « silos » évoquée dans la première partie.

Disposer d’un regard externe présente un avantage considérable. En tant que consultants, nous recueillons souvent des informations que les collaborateurs n’oseraient pas exprimer en interne, par crainte de répercussions négatives. Or, ces éléments sont fréquemment déterminants pour la réussite ou l’échec d’une initiative. Notre expérience nous permet également d’analyser les situations avec plus de recul et de nuance qu’un acteur interne.

Cette vision nouvellement définie doit vous permettre d’identifier — ou du moins d’anticiper — les personnes concernées par le changement, leurs objections potentielles ou réelles, leurs peurs, leurs attentes et leurs aspirations, ainsi que les leviers à activer pour les accompagner le long de la courbe émotionnelle du changement. Lors de l’élaboration de la stratégie et du plan, il est également essentiel de tenir compte de l’histoire et des habitudes des équipes. Même si l’orientation est tournée vers l’avenir, il est important de regarder en arrière pour se rappeler d’où l’on vient, afin de ne pas aliéner les collaborateurs. Cet aspect est particulièrement critique lorsque des changements mal conduits ou des échecs passés ont laissé des traces et rendent les équipes plus sceptiques vis-à-vis d’une nouvelle initiative.

In fine, chaque individu doit être capable de répondre aux questions suivantes :
a) « Comment dois-je changer ? » relativement rapidement après la communication initiale de la vision ;
b) « Suis-je capable de le faire ? » un peu plus tard dans le processus, lorsqu’il sait qu’il dispose de tous les moyens nécessaires pour adopter la nouvelle manière de travailler (systèmes, méthodes, processus, formation, compétences).

Conclusion

Avec ces étapes, nous avons finalisé l’ensemble des travaux préparatoires au changement, après la première communication à l’échelle de l’entreprise. Maintenant que le changement est officiellement lancé, l’initiative peut véritablement démarrer. Dans le prochain article, nous aborderons les quick wins, les premiers succès, les objectifs de long terme et l’exécution concrète du changement. Restez connectés !

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